Ma déprime de la nécropole
Comme je le disais précédemment, j'avais placé de grands espoirs en Tyr et surtout dans sa nécropole. Je ne sais pas exactement ce que j'imaginais, certainement un grand espace assez vierge avec des sarcophages un peu partout, ainsi que des loculi, etc, autour desquels on aurait pu circuler aisément, en tout cas j'imaginais tout sauf ce que j'ai trouvé.
Juste avant la nécropole nous étions passés par l'autre site archéologique principal de Tyr, où il avait suffit de dire le nom du grand responsable (que nous avait donné le responsable de l'Ifpo) pour entrer gratuitement et avec un grand sourire en prime. Le site était certes quelque peu perdu dans les hautes herbes, ça ne changeait pas beaucoup des autres sites déjà vus en outre, à part qu'ils avaient des barrières pour qu'on ne puisse pas crapahuter dans les ruines (Margot très triste). C'est d'ailleurs là que j'ai trouvé mon tout premier sarcophage, et de mon corpus en plus ! Il était justement en très bon état et ça m'a fait chaud au coeur.
Mais quand nous sommes arrivés à la nécropole j'ai tout de suite déchanté.
Faisons tout d'abord un petit topo. Les seules images que j'avais à ma disposition de la nécropole avant cela se trouvaient dans un livre de M. Rey-Coquais, un des grands chercheurs français pour ce qui est des inscriptions du Liban. Elles montraient des sarcophages bien en évidence, au milieu d'espaces libres, sans parasites, sans rien, certes pas toujours bien cadrées mais je n'allais pas chipoter pour ça. Mais voilà, M. Rey Coquais était venu en mission officielle, accompagné certainement de trois ou quatre assistants pour l'aider à débroussailler et à disposer les pierres.
Quand je suis arrivée, c'était un champ de bataille. Il y avait des sarcophages. Oui. Perdus au fin fond des hautes herbes, et quand je dis hautes, je dis hautes comme moi, avec simplement le toit qui dépassait par miracle. Collés les uns aux autres, par paquet de trois parfois, empêchant toute volonté de trouver une inscription sur les côtés. Mangés à moitié par les plantes grimpantes, coupant les inscriptions à la moitié, quand il y en avait. Enterrés, avec un bout d'arête du toit pour seule trace d'existence. En mauvais état, avec des inscriptions tout bonnement illisibles avec le temps, la pollution, le mauvais traitement.
J'en ai trouvé des très beaux, heureusement. Sur environ deux cents inscriptions, j'ai pu prendre une trentaine en photos. C'est peu mais c'est déjà ça, et malheureusement c'est le lot de beaucoup de personnes dans ce genre de travail, je m'en rends compte maintenant. Je ne suis pas déçue de ce que j'ai trouvé, parce que j'ai trouvé mes pierres et mes inscriptions, j'ai pu les contempler et les toucher comme je le souhaitais, j'ai trouvé le concret de tout ce que je voyais sur des feuilles de papier, et ça c'est quelque chose d'assez extraordinaire à vivre. Je suis juste un peu triste de cette naîveté que j'avais et que j'ai du perdre face à cette nécropole, cette nécropole qui donne l'impression de n'avoir jamais connu trace humaine depuis bien des siècles, cet îlot de tranquilité au milieu du bruit de Tyr.